Dans un article étude récent, les chercheurs chinois TIAN Zhanwei et HOU Shengchuan se sont penchés sur la question fondamentale de l’essence du wushu chinois. Leur travail propose une nouvelle perspective sur Wushu, remettant en question certaines visions conventionnelles et offrant des pistes de réflexion innovantes face aux défis contemporains du wushu. En tant que passionnés du wushu, nous avons jugé pertinent de partager cette recherche académique chinoise, estimant qu’elle pourrait contribuer au développement et à la compréhension du wushu à l’international.
La question de l’essence du wushu représente un problème fondamental qui guide à la fois la recherche théorique et le développement pratique de cet art martial. Selon TIAN et HOU, la crise d’identité actuelle du wushu chinois découle principalement d’une conception erronée de sa nature essentielle.
Traditionnellement, l’essence du wushu a été définie comme le “jiji” (技击) – l’art du combat. Cette définition a engendré une série de contradictions théoriques et pratiques. D’une part, elle ne parvient pas à expliquer pourquoi certaines formes de wushu qui ne démontrent pas directement d’applications de combat sont néanmoins considérées comme faisant partie de la tradition martiale chinoise. D’autre part, cette définition place le wushu chinois dans une position désavantageuse lorsqu’il est comparé aux arts martiaux modernes purement orientés vers le combat.
“En définissant l’essence du wushu uniquement comme technique de combat, nous avons involontairement réduit sa richesse et sa profondeur culturelle,” expliquent les auteurs. “Cette vision étroite a conduit à une crise d’identité, particulièrement évidente dans les formes compétitives du wushu moderne.”
Les auteurs identifient quatre problèmes majeurs avec la définition du wushu comme art de combat:
Elle ne peut résoudre la crise d’identité des formes (taolu) du wushu, qui sont souvent critiquées comme étant trop gymniques et manquant d’applications martiales réelles.
Cette définition ne parvient pas à englober la multifonctionnalité du wushu, qui sert également à la santé, à l’éducation et au développement personnel.
Elle ne permet pas au wushu de se distinguer clairement des autres arts martiaux du monde, réduisant ainsi sa spécificité culturelle.
Dans le contexte des compétitions de combat modernes, le wushu chinois serait désavantagé s’il était uniquement jugé sur ses performances de combat.
La contribution principale de cette recherche est la proposition que l’essence du wushu chinois réside dans le concept de “gongfang” (攻防) – l’attaque et la défense – plutôt que dans le simple combat1.
“L’attaque et la défense constituent l’attribut intrinsèque du wushu, tandis que le combat n’en est que la manifestation externe,” affirment TIAN et HOU. “Le combat n’est qu’une des nombreuses valeurs fonctionnelles sous l’égide de l’attaque et de la défense.”
Cette redéfinition offre plusieurs avantages:
Elle permet d’inclure des formes de wushu qui, bien que ne démontrant pas directement d’applications de combat, contiennent néanmoins des principes d’attaque et de défense.
Elle maintient l’intégrité culturelle du wushu tout en reconnaissant sa diversité fonctionnelle.
Elle distingue le wushu des autres arts martiaux par sa richesse technique et culturelle.
Les auteurs suggèrent que considérer l’attaque et la défense comme l’essence du wushu peut résoudre le dilemme de “l’association du combat et de la pratique” dans l’éducation scolaire du wushu. Plutôt que d’enseigner soit des formes purement esthétiques, soit des techniques de combat potentiellement dangereuses, ils proposent une approche équilibrée qui:
Commence par des mouvements simples et pratiques
Explique les principes et applications de ces mouvements
Progresse vers des exercices à deux avec des applications conditionnelles
Développe finalement une compréhension des principes d’attaque et de défense
Cette approche “tempérée” serait plus acceptable pour la majorité des étudiants et des institutions éducatives, tout en préservant l’essence martiale du wushu.
Pour les compétitions de taolu, définir l’essence du wushu comme attaque et défense plutôt que comme combat pur permet d’éviter l’écueil de la “gymnastification” tout en préservant sa spécificité culturelle.
Les auteurs suggèrent que les compétitions de taolu devraient:
Revenir aux caractéristiques techniques des années 1970-1980, où la notion d'”adversaire absent mais présent” était encore préservée
Maintenir l’esthétique unique du mouvement corporel du wushu, qui le distingue des autres formes d’arts martiaux ou de gymnastique
Développer des règles détaillées qui valorisent à la fois les principes d’attaque et de défense et la qualité artistique de l’exécution
TIAN Zhanwei et HOU Shengchuan concluent que le wushu, bien qu’ayant évolué à partir de pratiques guerrières, s’est différencié de la simple violence primitive. Cette évolution a permis l’intégration de valeurs culturelles profondes, transformant le wushu en un système complexe où l’attaque et la défense servent de principes fondamentaux.
“Le wushu peut exprimer la fonction de combat, mais ne se limite pas à cette expression,” soulignent les auteurs. “Reconnaître l’attaque et la défense comme son essence permet au wushu chinois de maintenir son identité culturelle unique tout en s’adaptant aux défis contemporains.”
Cette recherche offre une perspective rafraîchissante sur un débat qui dure depuis des décennies et propose une voie prometteuse pour le développement futur du wushu chinois, tant dans sa dimension éducative que compétitive.
TIAN Zhanwei, HOU Shengchuan. Skill-based Combat or Offense and Defense: Essence and Influence of Chinese Wushu. College of Physical Education and Health Science, Guangxi Minzu University; Department of Wushu and Chinese Traditional Sports, Physical Education College of Zhengzhou University, 2023.
Titre original
技击还是攻防:论中国武术的本质属性及其影响
Auteurs
田展玮, 侯胜川
À notre avis, les applications martiales sont très importantes et peuvent améliorer la situation des arts martiaux chinois. Malheureusement, cela n’est pas suffisant. L’absence de combat libre rendrait la pratique des arts martiaux chinois obsolète. Le seul défi est de trouver un système de combat qui allie sécurité, liberté et préservation des stratégies et des techniques issues des arts martiaux chinois traditionnels.
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